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Qui était Lucy, notre ancêtre Australopithèque ?

    Lorsque l’on parle d’Australopithèque, on pense immédiatement à Lucy. Ce squelette, découvert en Ethiopie il y a plus de 40 ans, recèle bien des secrets. Partons à la découverte des Australopithèques et de leurs spécificités, avant de nous pencher plus spécifiquement sur la vie de la célèbre Lucy. Enfin, déterminons la place du genre Australopithèque dans l’évolution de la lignée humaine.

    A la découverte de l’Australopithèque

    On désigne par Australopithèque un genre – un groupement d’espèces disposant de caractéristiques similaires – aujourd’hui éteint d’homininés. Ces derniers rassemblent les différentes espèces appartenant à la lignée humaine, depuis sa séparation avec la lignée des chimpanzés, il y a entre 8 et 10 millions d’années.

    Que signifie le nom Australopithèque ? Quand et comment vivaient nos lointains ancêtres préhistoriques ?

    Pourquoi le nom Australopithèque ?

    Raymond Dart est l’anthropologue australien qui a donné son nom au genre Australopithèque en 1925, bien avant la découverte de Lucy. Un an plus tôt, en 1924, le fossile d’un crâne juvénile, que l’on nommera l’Enfant de Taung, est découvert en Afrique du Sud : il s’agit là du premier Australopithèque découvert.

    Le nom du genre Australopithecus provient à la fois du latin australis “du sud” et du grec píthēkos “singe”. Ainsi étymologiquement, Australopithèque signifie “singe du sud”.

    Où et quand vivaient ces lointains ancêtres de l’Homme ?

    Bien qu’ils aient vécu il y a fort longtemps, nos lointains cousins Australopithèques n’ont pas connu les dinosaures. En effet, ces derniers se sont éteints il y a 65 millions d’années, tandis qu’on estime que le genre Australopithecus vivait entre Afrique il y a 4,2 Ma – millions d’années -, jusqu’à environ 2 Ma. Un peu plus de 60 Ma sépare donc l’Australopithèque des dinosaures !

    Les Australopithèques ont vécu à cheval sur deux ères géologiques : le Pliocène et le Pléistocène. Egalement, c’est avec eux et le début de l’utilisation d’outils rudimentaires en pierre que commence la première – et la plus longue – période de la Préhistoire : le Paléolithique. Cette période court d’il y a 3,3 Ma à 11 700 ans, jusqu’à la fin de la dernière ère glaciaire.

    Ce n’est pas pour rien que l’on considère l’Afrique comme le berceau de l’humanité. En effet, tous les fossiles d’homininés pré-Homo découverts jusqu’à présent l’on été en Afrique. Australopithecus évoluait donc exclusivement sur ce continent.

    Quelles sont les caractéristiques de ces pré-humains ?

    De nombreux fossiles ont été mis à jour et étudiés, grâce auxquels les chercheurs ont pu reconstituer nombre de squelettes des pré-humains. Ceux-ci nous ont donné de précieux indices pour déterminer leurs caractéristiques physiques et physiologiques.

    Des caractères mixtes, ancestraux et dérivés

    Les Australopithèques possèdent des caractéristiques diverses, à la fois ancestrales – proches du singe – et dérivées – proche du genre Homo -. Ainsi, le cerveau de nos lointains cousins était peu volumineux, par rapport à celui de l’Homme moderne. Leur capacité crânienne est d’environ 450 cm3, contre 600 cm3 pour Homo habilis et près de 1 500 cm3 pour l’Homo sapiens actuel. A titre de comparaison, on évalue la capacité crânienne d’un chimpanzé à 650 cm3.

    Par ailleurs, de récentes études ont mis en évidence les similitudes entre le cerveau d’un Australopithèque, celui d’un chimpanzé et celui de l’humain moderne. Ainsi, si l’organisation du cerveau des Australopithèques est comparable à celle des chimpanzés, la croissance cérébrale pour sa part, ressemble à celle de l’Homme moderne.

    Enfin, notre cousin possède une denture très proche de celle que l’on trouve au sein des représentants du genre Homo.

    Crâne fossile d’Australopithecus afarensis.
    Crâne fossile d’Australopithecus afarensis.

    Un mode de locomotion à la fois bipède et arboricole

    D’après les nombreux fossiles d’Australopithèques que l’on a trouvé au fil des années, on sait que ceux-ci étaient capables de bipédie – c’est-à-dire de marcher sur deux jambes, comme nous -. Une caractéristique confirmée en 1976 par la paléonthologue britannique Mary Leakey, qui a découvert une série d’empreintes de pas conservées dans le sol depuis 3,66 millions d’années, en Tanzanie.

    Néanmoins, les Australopithèques n’étaient pas uniquement bipèdes. L’étude des squelettes fossiles retrouvés a permis de déterminer que ces cousins des êtres humains étaient également arboricoles et passaient donc un certain temps dans les arbres, certainement pour se protéger des prédateurs.

    Une capacité à façonner et utiliser des outils primitifs

    Egalement, les recherches et analyses des mains des Australopithèques permettent d’extrapoler quant aux capacités de nos ancêtres. Si la structure du squelette de leurs mains est très semblable à la nôtre, le pouce d’Australopithecus est plus court que celui d’Homo sapiens. De même, l’articulation de la première phalange de ce même doigt permet de montrer que ces pré-humains ne pouvaient effectuer l’ensemble des mouvements qui nous sont possibles aujourd’hui.

    Par ailleurs, les similitudes des mains de l’Australopithèque avec celles de l’homme moderne laisse à penser qu’Australopithecus était capable de fabriquer et d’utiliser les premiers outils, certes rudimentaires, de l’histoire de l’humanité.

    Un petit gabarit pour Australopithecus

    Il a existé plusieurs espèces d’Australopithèques, dont les caractéristiques physiques, bien que semblables, étaient néanmoins variables. Cependant, au vu des nombreux squelettes fossilisés découverts et reconstitués, les scientifiques ont pu estimer le gabarit moyen de nos cousins éloignés.

    De fait, on estime que les Australopithèques mesuraient entre 1,15 et 1,38 mètre, selon le sexe des individus. Egalement, leur poids étaient compris entre 30 et 40 kilos.

    Réplique du squelette de l’Australopithèque Lucy
    Réplique du squelette de l’Australopithèque Lucy, exposé au Musée Senckenberg de Francfort.

    Que mangeait l’Australopithèque ?

    De nombreuses études ont été menées pour tenter de connaître le régime alimentaire des Australopithèques. Pour ce faire, les scientifiques utilisent plusieurs méthodes : observation des dentures fossilisées, étude de la composition chimique des dents et des os, ou encore analyse des traces laissées sur les dents par les aliments.

    Mais alors, que de quoi se nourrissaient nos ancêtres ? Si l’image de l’Homme préhistorique dévorant de la chair fraîche à pleines dents a la vie dure, sachez qu’il n’en est rien. En effet, d’après les résultats croisées de plusieurs études scientifiques, le régime alimentaire des Australopithèques était en grande majorité végétarien !

    D’abord tropical et favorisant le développement de forêts luxuriantes, le climat africain s’est refroidi et asséché il y a environ 3 Ma. Le genre Australopithèque vivait ainsi principalement dans un milieu de savane arbustive parsemée de forêts. Par conséquent, les individus se nourrissaient essentiellement de graines, graminées, fruits, tubercules

    Cependant, les Australopithèques ne mangeaient pas exclusivement des fruits et des plantes. Ils se nourrissaient aussi très vraisemblablement d’insectes et de petits animaux. Cependant, au vu de leur petite taille, les scientifiques supposent que les Australopithèques étaient davantage charognards que chasseurs.

    Lucy, l’Australopithèque le plus célèbre

    La connaissance que l’on a des Australopithèques aujourd’hui ne serait pas la même sans Lucy, le premier squelette d’Australopithèque aussi complet et ancien découvert à l’époque.

    La découverte de Lucy

    Initialement AL 288-1, Lucy, aussi appelé Dinqnesh ou Dinknesh, est le surnom donné au fossile du squelette d’un Australopithèque découvert en Ethiopie, le 24 novembre 1974. Les ossements de Lucy constituent le premier squelette relativement complet découvert pour une période aussi ancienne. On estime en effet que l’Australopithèque Lucy est âgé de 3,18 Ma.

    Anecdote

    Lucy tient son surnom de la chanson des Beatles “Lucy in the Sky with Diamonds”, que les scientifiques écoutaient sous la tente en même temps qu’ils répertoriaient les ossements découverts.

    Le squelette de Lucy compte les fragments de 52 os, sur les 256 d’un squelette complet. Sur une période aussi reculée, un fossile aussi complet s’avère donc exceptionnel !

    Ainsi, Lucy a contribué à révolutionner la perception des origines humaines de l’époque. Notamment, son squelette a servi à démontrer que la bipédie est antérieure à l’accroissement du volume crânien. En effet, la boîte crânienne de Lucy l’Australopithèque est équivalente à celle d’un chimpanzé.

    Les rives de la rivière Awash
    Les rives de la rivière Awash, en Ethiopie, où a été découvert le squelette de Lucy.

    Qui est l’Australopithèque Lucy ?

    Par l’étude de son squelette, les paléontologues en ont appris beaucoup sur Lucy. Cet individu appartenant à l’espèce aujourd’hui éteinte Australopithecus afarensis et mesurait entre 1,10 et 1,20 m, pour un poids compris entre 25 et 30 kg.

    Lucy vivait en Ethiopie et avait un visage prognate : sa mâchoire inférieure était avancée vers l’avant, par rapport à sa mâchoire supérieure. La bipédie de cet Australopithèque était imparfaite, ce qui lui donnait une démarche très chaloupée. Par ailleurs, du fait de bras légèrement plus longs que les jambes, les scientifiques ont pu établir que Lucy était encore partiellement arboricole.

    Mâle ou femelle ? Le sexe indéfini de Lucy

    Le fossile de Lucy, de petite stature, a été estimé comme étant celui d’une femelle, par les paléontologues à l’origine de sa découverte. Ainsi, Lucy a rapidement acquis sa réputation – aujourd’hui erronée – de “première femme de l’humanité”.

    Cependant depuis 1995, certains chercheurs estiment que Lucy serait un mâle, son bassin étant trop étroit pour laisser passer un bébé. Aussi, il a été proposé de renommer cet Australopithèque Lucien, ou encore Lucifer.

    Aujourd’hui encore le débat n’est pas clos. En effet le squelette de Lucy est incomplet ; or son crâne fait partie des pièces manquantes… et déterminantes ! Celui-ci permettrait d’évaluer de nombreux indices caractéristiques du dimorphisme sexuel – les différences physiques permettant de distinguer un mâle d’une femelle -. Bien sûr, ces observations seules seraient insuffisantes ; elles viendraient s’ajouter aux autres mesures réalisées sur le squelette – humérus, bassin, clavicule, etc.

    Qui donc était l’Australopithèque Lucy ? Un mâle ? Une femelle ? On ne sait pas si l’affaire sera fermement tranchée un jour. Aussi certains paléontologues préfèrent simplement l’appeler par son nom de code scientifique officiel : AL 288-1.

    Comment est morte Lucy l’Australopithèque ?

    Le mystère de la mort de Lucy, encore non éclairci à ce jour, fait l’objet de nombreuses hypothèses.

    En août 2016, des chercheurs annonçaient avoir découvert la cause de la mort de l’Australopithèque Lucy, dans la revue Nature. D’après les analyses des ossements fossilisés et des nombreuses fractures qu’ils y ont trouvé, ces scientifiques ont déterminé qu’une chute aurait tué Lucy. Cette représentante de l’espèce A. afarensis se serait tuée en tombant d’un arbre, faisant une chute d’au moins 12 mètres.

    Néanmoins, un archéozoologue remet en cause cette version. Selon lui, les os de Lucy ne montrent aucune trace de fractures engendrées par une éventuelle chute. Pour cause, les fractures et fissures identifiées seraient post-mortem. En effet, l’aspect d’une cassure est différent sur un os frais – être vivant – et sur un os sec – être décédé -. Ainsi, d’autres chercheurs estiment que Lucy aurait pu être piétinée par un troupeau après sa mort.

    Si les circonstances du décès de l’Australopithèque Lucy demeurent troubles, les chercheurs ont néanmoins pu établir que celle-ci serait morte vers 25 ans. Egalement, la complétude du squelette laisse à penser que le corps aurait été très rapidement enseveli dans les sédiments. Ceux-ci l’auraient alors préservé des charognards et des altérations climatiques, ce jusqu’à sa découverte en 1974.

    Place de l’Australopithèque dans l’évolution de la lignée humaine

    L’évolution linéaire de la lignée humaine
    L’évolution linéaire de la lignée humaine, un schéma obsolète.

    L’évolution de la lignée humaine n’est pas aussi linéaire qu’on le pensait encore il y a peu. Ainsi, les Australopithèques ont pendant longtemps été considérés comme les ancêtres du genre Homo, auquel nous appartenons. Or, la réalité est un peu plus compliquée que cela.

    Du fait de sa bipédie, les scientifiques ont pensé qu’A. afarensis, l’espèce à laquelle appartient Lucy, était un de nos ascendants direct. Cependant, la découverte de fossiles plus anciens, comme Toumaï, a permis de déterminer que nos ancêtres pré-humains étaient déjà bipèdes il y a 7 millions d’années.

    Ainsi, lors de la séparation entre la lignée des grands singes et celle des humains, de nombreuses branches de pré-humains auraient émergé. Ainsi, l’espèce A. afarensis à laquelle appartient Lucy n’est qu’une des huit espèces d’Australopithèques identifiées à ce jour. Egalement, on sait aujourd’hui que l’espèce de Lucy n’a pas donné le genre Homo. A. afarensis est donc notre ancien cousin éloigné et non notre grand-parent. Cependant, d’autres espèces d’Australopithèques ont évolué pour voir émerger le genre Homo.

    De fait, l’évolution de la lignée humaine n’est pas linéaire mais buissonnante. Entre séparation de lignées, apparitions de multiples espèces au sein même du genre Homo et pression écologique, le fil de notre histoire n’est pas encore totalement déroulé. Mais nous en parlerons lors d’un prochain article !