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Microbiote intestinal : ces bactéries qui nous veulent du bien

    Le microbiote intestinal est un véritable écosystème basé dans notre système digestif. Digestion, immunité : nous hébergeons plus de 100 000 milliards de bactéries qui nous assistent quotidiennement. Si leur présence est essentielle à notre santé, le microbiote intestinal peut également jouer un rôle dans certaines maladies et constitue aujourd’hui une piste thérapeutique de choix.

    Microbiote, microbiome : quelle différence ?

    On utilise souvent les termes microbiote et microbiome pour désigner une seule et même chose : le microbiote. En réalité, la nuance est plus fine.

    On désigne par « microbiote humain » l’ensemble des microorganismes – virus, bactéries, champignons, parasites – présents à la surface et dans toutes les cavités du corps. Nous avons ainsi de nombreux microbes vivants :

    • dans le complexe nez / bouche / pharynx – microbiote buccal – ;
    • sur la peau – microbiote cutané – ;
    • dans le vagin – microbiote vaginal – ;
    • dans les intestins – microbiote intestinal – ;
    • et bien d’autres encore !

    Le microbiome pour sa part, désigne le génome – l’ensemble des gènes – contenu dans toutes ces cellules bactériennes. De la même manière que les secrets du génome humain émergent petit à petit grâce au séquençage de l’ADN – l’identification de tous les gènes présents dans le génome -, les scientifiques se sont démenés durant la dernière décennie pour décrypter les informations génétiques du microbiome.

    Qu’est-ce que le microbiote intestinal ?

    Le microbiote intestinal, anciennement appelé « flore intestinale », est le plus important microbiote de notre organisme. Il se constitue de 1012 à 1014 microorganismes, soit plus de 100 000 milliards de bactéries : entre 2 et 10 fois le nombre totale de cellules que compte notre organisme ! Le poids de ce microbiote qui joue un rôle prépondérant dans la digestion et l’immunité, avoisine les 2 kg.

    De nombreuses bactéries constituent le microbiote intestinal
    De nombreuses bactéries constituent le microbiote intestinal.

    Constitution du microbiote intestinal

    Le microbiote intestinal se compose en moyenne de 160 espèces de bactéries et autres microorganismes chez chaque individu. C’est ce qu’a montré l’étude MétaHIT, menée en 2008, qui visait à identifier l’ensemble des gènes des microbiotes intestinaux humains. Cette expérimentation a permis d’identifier 3,3 millions de gènes appartenant à plus de 1 000 espèces de bactéries, dont de nombreuses inconnues jusque-là !

    Encore plus fort : on sait aujourd’hui que le microbiote intestinal est propre à chaque être humain, comme les empreintes digitales. En effet, environ 15 à 20 espèces de microorganismes constituent un socle commun dans les microbiotes intestinaux sains, soit la moitié des bactéries et virus qui les constituent. Celui-ci assure les fonctions essentielles du microbiote. L’autre moitié est unique chez chaque être humain.

    Le microbiote se développe dès la naissance

    Dans le ventre de sa mère, un fœtus considéré comme stérile. C’est seulement au moment de l’accouchement que le bébé va entrer en contact avec ses premiers microbes – microbiote vaginal, ceux de l’environnement direct, etc. Ces microorganismes vont commencer à coloniser l’organisme du bébé, y compris son système intestinal.

    Durant les premières semaines de sa vie, le nourrisson va développer son propre microbiote intestinal. Au bout de quelques années, celui-ci se stabilisera de manière durable, bien que certains événements puissent entraîner des modifications à court ou long terme sur le microbiote.

    Fonctions du microbiote intestinal

    Essentiel au bon fonctionnement de l’organisme, le microbiote intestinal joue un rôle prépondérant dans deux fonctions bien spécifiques : la nutrition et l’immunité.

    Une action directe sur la digestion

    Le microbiote intestinal a un grand rôle dans la nutrition puisqu’il a une action directe sur la digestion. Ainsi, des chercheurs ont pu observer que des animaux dépourvus de microbiote ont des besoins énergétiques 20 à 30 % supérieurs à ceux disposant d’un microbiote intestinal normal.

    En effet, les bactéries vont digérer les différentes molécules issues de notre alimentation pour en extraire les sucres, graisses et protéines. Notre organisme absorbent ces molécules ainsi libérer pour les utiliser comme carburant. Sans microbiote intestinal, notre corps est incapable d’extraire de nombreuses molécules énergétiques. Il doit donc demander davantage de nourriture pour arriver au nombre de calories dont il a besoin au quotidien.

    Une pièce maîtresse de notre système immunitaire

    Sans les microorganismes qui constituent notre microbiote intestinal, nous n’aurions pas d’immunité adaptative, ou immunité acquise. Celle-ci représente la partie de notre système immunitaire qui apprend à répondre aux différentes infections virale ou bactériennes au fil de la vie.

    Des expérimentations ont montré que des animaux n’ayant pas de microbiote intestinal présentent un système immunitaire plus faible et défaillant, que ceux qui présentent un microbiote classique.

    La paroi intestinale est une immense porte d’entrée dans l’organisme. En effet, elle se compose entièrement de minuscules replis qui multiplient sa surface de contact avec des molécules alimentaires… ou des pathogènes. Si l’on dépliait entièrement nos intestins, la surface couverte serait celle d’un terrain de tennis !

    Par conséquent, les bactéries du microbiote viennent tapisser les parois intestinales et jouent un rôle barrière contre les différents pathogènes, en les empêchant de se fixer et de coloniser l’intestin.

    Également, au début de la vie, la flore intestinale est nécessaire au système immunitaire pour lui apprendre à distinguer les bactéries amies – bactéries commensales -, de celles à éliminer.

    microbiote intestinal joue un rôle important dans l’immunité adaptative
    Le microbiote intestinal joue un rôle important dans l’immunité adaptative. En haut, la paroi intestinale protégée par les bactéries du microbiote. En bas, la paroi intestinale sans la protection du microbiote.

    Lien entre microbiote intestinal et maladies

    Bien que le microbiote intestinal soit relativement stable après quelques années de vie, il arrive qu’il se dérègle : on parle de dysbiose. Ces dérèglements peuvent survenir dans le cas d’une prise d’antibiotiques, de stress important ou mal géré, ou encore d’une alimentation déséquilibrée.

    Si la plupart du temps ces modifications du microbiote intestinal sont mineures et de courte durée, il arrive qu’il soit modifié durablement, en variété comme en nombre de microorganismes.

    Diverses études permettent de lier ces modifications du microbiote à une faiblesse du système immunitaire et à l’apparition ou à l’entretien de certaines maladies intestinales. On distingue également une connexion entre le microbiote intestinal et certains troubles du cerveau.

    Les maladies intestinales chroniques inflammatoires (MICI)

    Il existe plusieurs maladies intestinales chroniques inflammatoires, aussi nommées MICI. Ce terme regroupe la maladie de Crohn et la rectocolite hémorragique.

    Ces deux pathologies se caractérisent par une inflammation d’une partie du tube digestive, localisée :

    • entre la bouche et l’anus, dans le cas de la maladie de Crohn ;
    • au niveau du rectum et du côlon, dans la rectocolite hémorragique.

    Le microbiote intestinal est l’un des principaux suspects dans l’apparition des MICI : un déséquilibre entre les espèces bactériennes favorisant ou bloquant les inflammations, la surpopulation de certaines bactéries ou la raréfaction d’autres espèces ont été observées chez des personnes atteintes de maladies intestinales chroniques.

    Toutefois, corrélation n’est pas causalité et aujourd’hui, les scientifiques sont incapables de dire s’il s’agit d’une cause ou d’une conséquence des MICI. D’autres facteurs entrent également en jeu, génétiques ou environnementaux et doivent être pris en compte.

    Les maladies neuropsychiatriques

    L’axe qui relie l’intestin au cerveau comprend environ 200 millions de cellules, dont 80 % vont dans le sens intestin – cerveau. De plus, on sait aujourd’hui que les variations du microbiote intestinal modifient les informations envoyées au système nerveux central. C’est la raison pour laquelle on qualifie l’intestin de « deuxième cerveau » (à ce sujet, je vous recommande la lecture de l’incontournable ouvrage « Le charme discret de l’intestin », de Giulia Enders).

    Ainsi, les chercheurs évoquent le rôle du microbiote intestinal dans de nombreuses maladies neuropsychiatriques : dépression, autisme, troubles bipolaire, schizophrénie, etc. Celui-ci serait un facteur qui viendrait s’ajouter aux critères génétiques, épigénétiques, psychologiques ou environnementaux qui jouent, eux-aussi, un rôle prédominant dans le déclenchement de ces maladies.

    Plus récemment, on suggère que la présence importante de certaines espèces de bactéries dans le microbiote intestinal pourrait avoir un impact majeur sur le développement de maladies neurodégénératives, comme la maladie d’Alzheimer ou la maladie de Parkinson.

    recherche médicale
    Le microbiote médicale est une piste majeure de recherche médicale pour les MICI, maladies neuropsychiatriques, ainsi que les cancers.

    Le microbiote intestinal, une piste thérapeutique ?

    Du fait du lien entre la dysbiose du microbiote intestinal et les pathologies comme les MICI et les maladies neuropsychiatriques, les chercheurs se penchent sur plusieurs pistes thérapeutiques.

    • Rééquilibrage du microbiote par l’alimentation.
    • Traitement antibiotique ciblé sur les bactéries causant la maladie.
    • Apport de probiotiques – microbes qui vont soutenir notre microbiote – et de prébiotiques – molécules qui vont faciliter le développement des probiotiques.
    • Transplantation fécale – implantation, dans une personne malade, du microbiote d’une personne saine.

    A l’exception de la transplantation fécale, qui s’est montrée efficace dans une forme d’infection intestinale sévère, les autres pistes thérapeutiques ne se sont pas – encore ? – montrées concluantes.

    Quoiqu’il en soit, le microbiote intestinal est une piste incontournable de la recherche médicale, pour la prise en charge et la création de nouveaux protocoles de soins de nombreuses maladies.