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Le cerveau de Lucy, plus proche du chimpanzé ou de l’Homme moderne ?

    Les australopithèques, qui vivaient il y a trois millions d’années en Afrique de l’Est, présentent diverses caractéristiques qui les rapprochent du genre Homo. Afin d’en savoir davantage sur l’organisation du cerveau de ces humains primitifs, des scientifiques ont analysé le crâne fossile d’un jeune australopithèque.

    L’australopithèque, entre chimpanzé et Homme moderne

    Qui est Lucy ?

    Lucy, que l’on nomme également Dinqnesh, est le sobriquet donné au fossile d’une espèce d’Hominidés aujourd’hui éteinte : l’australopithèque – Australopithecus afarensis. Celle-ci occupe une position déterminante dans l’arbre généalogique des Homininés, une sous-famille d’Hominidés qui comporte à la fois la branche des chimpanzés – genre Pan – et les humains –genre Homo.

    Découvert en 1974 en Ethiopie, le squelette fossilisé de Lucy est daté de 3,18 millions d’années. 52 fragments osseux, qui constituent 40 % de la totalité du squelette, ont été retrouvés par l’équipe de recherche sur place. Ainsi, Lucy est le premier fossile aussi ancien, qui soit retrouvé si complet.

    Reconstitution d’un australopithèque mâle
    Reconstitution d’un australopithèque mâle au Musée d’Histoire Naturelle Smithsonian de Washington, Etats-Unis.

    Ce que l’on sait des australopithèques

    Le fossile de l’australopithèque Lucy a révolutionné la perception des origines humaines.

    En effet, on sait maintenant que l’australopithèque était bipède – qu’il marchait comme nous autres Hommes modernes, sur deux jambes – et que l’acquisition de cette caractéristique date d’au moins 3,2 millions d’années. Néanmoins, certains indices liés à l’ossature de Lucy montrent qu’elle était sans doute encore partiellement arboricole, c’est à dire qu’elle passait un certain temps dans les arbres.

    Également, le squelette et les reconstitutions d’australopithèques – comme celle ci-dessus – nous permettent d’avancer que Lucy et ses pairs utilisaient probablement des outils.

    Enfin, si le cerveau des australopithèques était environ 20 % plus volumineux que celui des chimpanzés, se pose la question de l’organisation et de la croissance de celui-ci.

    Un cerveau d’australopithèque étudié par une équipe scientifique

    Le cerveau des australopithèques ressemblait-il davantage à celui des chimpanzés ou de l’humain moderne ? Une équipe de chercheurs de l’Institut Max Planck d’anthropologie évolutive situé à Leipzig, en Allemagne, a souhaité répondre à cette question.

    Pour ce faire, les scientifiques ont passé aux rayons X le crâne fossilisé d’un jeune australopithèque, découvert en 2000 sur le site de fouille de Dikika, en Ethiopie. Les conclusions de leur étude sont détaillées dans une publication parue dans la revue Science Advances.

    Comment les scientifiques ont-il pu scanner un cerveau fossilisé ?

    Comme le cerveau est une partie molle, qui ne contient pas d’os, il ne se conserve pas très longtemps. Cependant, il existe des exceptions, comme ce morceau de cerveau conservé durant 2 600 ans et dont le crâne de son propriétaire a été déterré en 2008 d’un sol très riche en argile.

    Mais revenons à nos australopithèques : les scientifiques n’ont pas scanné le cerveau de cet « enfant primitif » à proprement parler, puisqu’il n’y a pas de fossile cérébral. Ainsi, ils ont analysé les traces laissées par les circonvolutions cérébrales – les creux et les bosses, aussi appelés sillons et gyrus, du cerveau – à l’intérieur du crâne.

    L’organisation cérébrale de l’australopithèque, comparable à celle du chimpanzé

    comparaison entre l’organisation cérébrale de l’enfant australopithèque de Dikika et celle d’un chaimpanzé
    Modélisation de la comparaison entre l’organisation cérébrale de l’enfant australopithèque de Dikika et celle d’un chaimpanzé.

    L’étude de ces empreintes cérébrales sur l’endocrâne suggère que l’organisation cérébrale de Lucy et des autres australopithèques est comparable à celle des chimpanzés.

    Cependant une zone demeure difficilement observable, qui marque pourtant une différence-clé dans l’organisation du cerveau chez les hommes et les singes. Il s’agit du sillon lunaire – en latin sulcus lunatus –, bien défini chez les singes mais pas chez l’humain moderne. Ce sillon marque la frontière entre le lobe pariétal et le lobe occipital.

    Certaines hypothèses mentionnent le fait qu’une réorganisation cérébrale chez les australopithèques, comme une position différente du sillon lunaire aurait amené à des comportements plus avancés chez ces hommes primitifs, que ceux observés chez les grands singes.

    Toutefois, ces théories sont aujourd’hui démenties par l’analyse aux rayons X de l’enfant australopithèque de Dikika dont « l’endocrâne exceptionnellement bien préservé montre l’empreinte d’un sillon lunaire exhaustivement positionné comme celui d’un cerveau de singe », stipule le communiqué de presse de l’Institut Max Planck, où travaille l’équipe qui a mené les recherches. Aucune réorganisation du cerveau de l’australopithèque en vue, donc !

    La croissance cérébrale de l’australopithèque, comparable à celle de l’humain moderne

    Au contraire de l’organisation, la croissance du cerveau des australopithèques serait plus proche de celle des humains du genre Homo. En effet, en comparant l’intérieur du crâne d’un enfant avec celui d’un adulte, les scientifiques remarquent que le développement cérébral est plus long que celui des chimpanzés. Ainsi, les petits australopithèques ont davantage besoin d’attention de la part de leur parents et sont indépendants plus tard que les petits chimpanzés.

    Philipp Gunz, le premier auteur de l’étude, conclut sur ces mots : « Nos données montrent que Australopithecus afarensis avait une organisation cérébrale comme celle des singes mais suggère aussi que ces cerveaux se développaient sur une période de temps plus longue que ceux des chimpanzés. »