Découverte il y a une dizaine d’année, l’optogénétique a fait une entrée fracassante dans le monde de la recherche en neurosciences et le développement de thérapies géniques. Mais quelle est cette technique ? Comment fonctionne-t-elle ? Quels buts et applications sert-elle ? Quelles sont ses limites ? Répondons ensemble à 5 questions pour mieux comprendre l’optogénétique.
Qu’est-ce que l’optogénétique ?
L’optogénétique est une technique développée il y a une dizaine d’année par un scientifique de l’université de Stanford (Californie, Etats-Unis).
Sur la forme, le principe paraît simple : l’optogénétique mêle optique et génétique, de manière à influencer le fonctionnement des cellules. Pour ce faire, on fait réagir les neurones à une lumière spécifique, qui va activer ces cellules cérébrales.
L’optogénétique permet un contrôle spatio-temporel très fin des neurones, en ciblant des zones très spécifiques (spatialité) excitées uniquement tant que l’on maintient la lumière allumée (temporalité).
Science-fiction ? Non, science, tout simplement !
Comment fonctionne l’optogénétique ?
Pour mieux cerner le fonctionnement de l’optogénétique, penchons-nous brièvement sur celui des neurones.
Dans le système nerveux, les informations sont transmises à l’aide de signaux électriques, nommés “potentiel d’action”. Pour passer d’un neurone à l’autre, ces impulsions électriques stimulent des molécules chimiques, appelées neurotransmetteurs, qui vont transmettre le potentiel d’action pour activer ou inhiber le neurone suivant. C’est à ce moment qu’intervient l’optogénétique.

Des neurones génétiquement modifiés par l’implantation d’opsine
Le principe de base de l’optogénétique est l’implantation, dans les neurones, d’une protéine le plus souvent d’origine bactérienne : l’opsine. Celle-ci est implantée directement dans le génome, ce qui implique de modifier génétiquement les cellules cérébrales.
L’opsine est dite “photosensible” ; c’est-à-dire qu’elle réagit à la lumière. Mais attention, pas n’importe laquelle ! Vous pouvez allumer et éteindre les spots de la pièce autant que vous le souhaitez ; ce qu’il vous faut, c’est une fibre optique
La fibre optique pour moduler l’activité cérébrale
Pour activer les neurones produisant les opsines, on implante généralement une fibre optique dans le crâne de l’animal. On distingue deux types principaux d’opsines, qui répondent chacun à une lumière spécifique :
- – la channelrhodopsine réagit à la lumière bleue et excite les neurones ;
- – l’halorhodopsine réagit à la lumière jaune et inactive les cellules cérébrales.
Ainsi selon la lumière produite, les chercheurs sont capable de stimuler ou d’inhiber certains groupes de neurones. De cette manière, ils sont capable d’influer sur la physiologie et le comportement d’un individu.
A quoi sert l’optogénétique ?
Initialement, l’optogénétique ouvre un nouveau champ de recherche et d’exploration dans la compréhension du fonctionnement cérébral. En effet, en activant des ensemble neuronaux très spécifiques, les scientifiques espèrent pouvoir cartographier l’ensemble du système nerveux central, d’un point de vue spatial et fonctionnel.
En effet, la technique d’optogénétique permet d’intervenir sur le contrôle du cerveau et par là même, de mieux comprendre son fonctionnement. Notamment, des scientifiques sont parvenus à modifier la perception du goût chez des souris. Plus impressionnant encore : l’optogénétique leur a permis d’implanter de faux souvenirs dans le cerveau des rongeurs !

L’optogénétique est-elle envisagée en médecine ?
Bien qu’elle ait été conçue dans le cadre de la recherche en neurosciences, l’optogénétique trouve de nombreuses applications thérapeutiques.
La neuroprothèse du futur
Vous souvenez-vous du premier neurone artificiel mis au point en 2019 par une équipe de neuroscientifiques anglais ? La prouesse était déjà étonnante mais aujourd’hui, les chercheurs travaillent à l’amélioration de leur prototype.
Grâce à l’optogénétique, ils ont réussi à synchroniser l’activité du neurone de synthèse avec de véritables neurones, in vitro. Leur objectif ? Concevoir une neuroprothèse implantable chez l’homme.
Vers une guérison prochaine de la cécité et de la DMLA ?
De même, le domaine de recherche le plus avancé dans la mise en place de thérapies optogénétiques est l’ophtalmologie. La technique pourrait, par exemple, servir à élaborer de nouvelles thérapies géniques pour guérir des personnes atteintes de DMLA ou de cécité.
L’injection d’opsine permettrait en ce cas de convertir les neurones non-fonctionnels en photo-récepteurs “artificiels”. Grâce à ces derniers, les stimuli lumineux trouveraient de nouveau leur chemin jusqu’au cerveau.
Un vaste champ d’exploration des thérapies géniques
Ainsi, l’optogénétique apporte l’espoir d’avancées majeures dans de nombreux domaines de la recherche médicale. En effet, le principe de cette technique se décline avec tous types de cellules. Les protéines qui régulent les innombrables activités cellulaires sont alors couplées avec celles d’opsine, pour assurer le fonctionnement de l’optogénétique.
Si l’on parle déjà neuroprothèse, ophtalmologie, cancer, criblage moléculaire pour la recherche pharmacologique, traitement des maladies neuro-dégénératives… la recherche médicale en optogénétique demeure émergente. Pourtant, les possibilités qui s’offrent aux scientifiques paraissent infinies !
Quelles sont les limites de l’optogénétique ?
Toute technique, aussi prometteuse soit-elle, a ses limites. L’optogénétique ne fait pas exception.
En effet, nous parlons ici de cellules, à fortiori de neurones génétiquement modifiés. Si les expériences menées in vivo sur les rongeurs tendent à montrer que l’optogénétique est sans risque, les chercheurs ne sont pas prêts à prendre le risque. Aussi pour le développement de leur neuroprothèse les scientifiques souhaitent, à terme, trouver un moyen de synchroniser les neurones artificiels et biologiques sans avoir recours à l’optogénétique.

Par ailleurs, n’oublions pas l’implantation de la fibre optique dans le crâne pour assurer le fonctionnement de la technique. Toutefois, une équipe a récemment mis au point un dispositif portatif sans fil à base de LED organiques, qui pourrait remplacer l’emploi de la fibre optique.
Bien qu’elle ait bouleversé la recherche en neurosciences durant la dernière décennie par son caractère innovant, l’optogénétique reste une technique invasive. De nombreuses améliorations peuvent (doivent ?) encore être apportées avant de pouvoir envisager une officialisation de ce type de thérapie génique.
La prochaine décennie nous en dira certainement davantage !